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RAPPELLE-TOI

Je ne me souviens pas de ce que j’ai fait dans la nuit du mercredi au jeudi 28 août 1997.

Et plus exactement entre vingt heures quinze et quatre heures moins dix du matin… depuis ce matin j’essaie de reconstituer la soirée et surgit toujours ce trou… un trou noir… Jean-Pierre B. après avoir bu un apéritif m’a proposé de dîner chez lui où était conviée Madame D. habitant 6, rue du Pont de Lodi chez qui est hébergée semble-t-il une (ex)anglaise ex-femme d’un (ex)chanteur… j’écris ça pour montrer o combien les détails que j’ai appris ce soir-là sont restés en mémoire… j’ai repoussé son invitation bien qu’il me proposât de me reconduire chez moi dans sa petite Z3, une BMW de frimeur… qu’il appelle sa « dingy toy »… un rêve d’enfant réalisé avec l’argent de sa femme… il a bien raison…

Je suis sorti dans la cour pavée de l’immeuble, un vieil hôtel de la rue Visconti, pour le raccompagner… j’ai la chance d’habiter au rez-de-chaussée dans un endroit un peu bizarre avec beaucoup de charme et un standing disons… désuet pour ne pas dire précaire… le fait qu’il fût en rez-de-chaussée est un détail important pour l’autre événement qui se trouve de l’autre côté du trou noir…

Je me suis toujours demandé comment on devait procéder pour reconstituer un emploi du temps… les bornes qui permettent de remonter les jours… le jeu hiérarchique des événements… la chronologie… la palinchronogénésie… une anamnèse peut-être aussi pour une enquête policière, admettez qu’on peut être confronté à ce genre de gymnastique… migraineuse ! je m’y étais amusé plus jeune… qu’avais-je fait le 23 septembre 1979… « je n’en sais rien… je n’étais même pas spermatozoïde vainqueur et mis au vert dans le ventre de ma mère! »

Voilà j’ai un trou de mémoire de quelques heures et rien à faire: depuis ce matin c’est le désordre dans ma tête, une confusion de jungle… il faudrait un bon coup de torchon…

Une amie particulièrement angoissée sur le plan de la santé… (est-ce de l’hypocondrie ?) m’a suggéré presque instamment de me faire passer un scanner… à chacune de trois autres amies j’ai demandé si je ne m’étais pas abandonné dans leurs bras une partie de la nuit…

Je ne pense pas être sorti… j’avais bu mais sans excès… en revanche je me souviens avoir pensé le midi de ce mercredi en auscultant mon réfrigérateur que j’avais une salade d’avocats, mâche, tomates et jambon d’Aoste qui ferait bien mon dîner… or cette salade je ne l’ai mangé que le lendemain du trou noir de mémoire !

et savez-vous ce que je faisais à quatre heures du matin, c’est à dire quinze minutes après m’être réveillé au bord d’un trou noir ?

Je fus réveillé par une pluie torrentielle, comme un début de moussons comme celles que j’ai connues sous des cieux lointains… j’étais nu et je me suis levé… et lavé… oui

j’étais nu les bras en croix dans la cour en train de sentir une pluie torrentielle déferler sur mon corps… une pluie diluvienne… mitraillant les pavés picotant mon corps… m’enduisant d’une gangue de fraîcheur… la peau comme une jeune bogue de marron… et je riais en ouvrant la bouche… je réalisais un rêve d’enfant et j’ai fait un vœu. En plein cœur de Paris… peut-être que ce trou de mémoire m’a permis d’entendre au bord du sommeil la pluie tomber avec fracas… n’essayais-je pas par le biais de ce étrange baptême de retrouver la vérité de ce trou noir…

Si par hasard vous savez ce que j’ai pu faire dans ce trou noir ?… n’hésitez pas à m’appeler, à m’écrire… si ce soir-là vous aussi avez eu la certitude d’avoir eu un trou de mémoire… tirons-nous de là !

Imaginons que nous étions ensemble dans ce trou noir à tournoyer, aussi légers et bleuâtres que des volutes de cigarette… ce serait un beau signe réconfortant de savoir que ce trou noir avait des parois, une existence réelle… allez faites un effort… ce n’est pas un jeu, ce n’est pas un ordre non plus… mais vous pourriez un jour être amené à devoir témoigner pour ou contre moi… alors rappelez-vous, que faisiez-vous dans la nuit du 28 août 1997 ?

allez faites un effort… ceci n’est pas un jeu… à peine un exercice… vous n’avez rien à craindre… quoique…